Les exigences réglementaires faisant double emploi constituent un obstacle au commerce transfrontalier, et finissent par coûter chaque année des millions de dollars aux consommateurs. Des secteurs comme ceux de l’électricité et de la plomberie et du chauffage étudient des moyens d’harmoniser les normes facultatives afin de réduire ces obstacles, mais le processus s’avère complexe. Les secteurs des nouvelles technologies, comme celui des véhicules électriques ou au gaz naturel, présentent un défi moindre puisqu’il est possible d’élaborer conjointement des normes techniques dès le début. Le Conseil canadien des normes travaille en collaboration avec des intervenants pour trouver des façons de donner suite aux objectifs établis par le Conseil de coopération Canada/États-Unis en matière de réglementation et d’accroître la croissance économique par le biais de la normalisation, tout en continuant de répondre aux objectifs de sécurité publique.
Les technologies et les produits émergents sont souvent susceptibles de présenter des lacunes (inefficacité, risques pour la sécurité, etc.) qui peuvent ralentir leur apparition sur le marché. Des produits destinés à l’exportation, comme les véhicules électriques ou au gaz naturel, peuvent rencontrer divers problèmes qui deviennent d’inévitables gouffres, en apparence. Par exemple, tout écart entre les normes des différentes réglementations nationales peut finir par entraver l’arrivée d’un produit sur le marché, et ce, même si ces normes visent à faciliter l’utilisation dudit produit.
Le consommateur moyen ignore que les nouveaux produits, comme les technologies automobiles, sont constitués de centaines de composantes qui doivent respecter certaines normes de performance et de sécurité obligatoires ou facultatives. De la même façon, quand les produits traditionnels atteignent un niveau de qualité et de sécurité reconnu, nous, consommateurs, sommes protégés et savons qu’ils fonctionneront comme il se doit, sans exploser ou tomber en pièces.
Les exigences faisant double emploi réduisent l’efficacité et augmentent les coûts
Les complications surviennent lorsque des entreprises américaines et canadiennes effectuent des ventes entre elles, ou auprès de leurs clients respectifs. Les produits exportés doivent répondre aux exigences du pays importateur en matière de performance et de sécurité. Malheureusement, pour accéder au marché voisin, les producteurs doivent souvent se plier à des exigences parfois identiques, mais qui ne sont pas toujours reconnues comme telles.
Il est d’autant plus regrettable que le chevauchement des exigences se traduit par une hausse des prix de vente. Selon des rapports récents réalisés par les secteurs canadiens de l’électricité et de la plomberie et du chauffage, les fabricants consacrent plus de 3,2 milliards de dollars aux essais et aux certifications faisant double emploi pour respecter les différentes normes qui régissent ces produits, ce qui représente un coût de plus de 120 millions de dollars pour leurs clients.[1]
« Nous avons découvert qu’il existe de nombreuses exigences de certification faisant double emploi, même si les infrastructures, les plans de création et les produits sont pratiquement identiques », indique Jim Taggart, président-directeur général d’Électro-Fédération Canada.
La coopération en matière de réglementation est essentielle à la bonne circulation des biens
Dans le rapport Écart de prix entre le Canada et les États-Unis, le Comité sénatorial permanent des finances nationales reconnaît que des coûts supplémentaires découlent des écarts entre les systèmes et recommande l’intégration de « normes de sécurité entre le Canada et les États-Unis en vue de réduire les différences de prix sans compromettre les besoins en matière de sécurité des deux pays ».[2]
Il y a deux ans, le premier ministre du Canada Stephen Harper et le président des États-Unis Barack Obama ont lancé une initiative visant, notamment, à réduire le fardeau administratif associé au commerce transfrontalier. Reconnaissant qu’il était essentiel de coopérer pour favoriser la bonne circulation des marchandises, les deux dirigeants ont annoncé la création du Conseil de coopération en matière de réglementation (CCR), qui a pour mandat d’alléger les règlements de plusieurs secteurs et de les rendre compatibles dans les deux pays. Le premier ministre Harper a déclaré que « l’examen de ces règlements constitue une occasion exceptionnelle de supprimer les obstacles liés à la réglementation et d’éviter que de nouveaux obstacles ne soient créés ».[3]
Harmoniser par le biais de la normalisation
À sa plus simple expression, la réglementation gouvernementale sert à protéger la population. Pour faire tomber les barrières tout en assurant la protection des consommateurs, les exigences relatives aux produits doivent être alignées au point de production. Si des comités équilibrés composés de parties intéressées conviennent de normes de production, les produits respecteront les mesures de sécurité et de performance requises, et les citoyens seront protégés.
Le Conseil canadien des normes (CCN), champion du réseau de normalisation national, fait la promotion de la normalisation auprès du CCR et, avec les intervenants fédéraux, étudie différentes approches d’harmonisation en quête de solutions. Les secteurs manufacturiers, comme ceux de la plomberie et du chauffage, offrent de nombreuses possibilités quant à la réduction des normes et des exigences de certification qui font double emploi. Dans l’industrie de l’électricité, entre autres, il serait possible de créer des normes binationales. « Le CCN reconnaît que l’industrie et le gouvernement doivent poursuivre le dialogue pour trouver un terrain d’entente et définir les prochaines étapes pour réduire les obstacles liés aux normes », indique John Walter, directeur général du CCN.
Les produits offerts depuis longtemps sur le marché présentent un plus grand défi de coopération que les nouveaux produits. Il peut s’avérer plus difficile de changer un processus que d’en esquisser un nouveau, particulièrement quand deux pays doivent tenir compte de nombreuses normes par produit. Pour harmoniser des normes avant que le produit ne soit exporté, il est nécessaire de les étudier et d’en combler toutes les lacunes. De plus, les deux États doivent s’entendre sur les changements, et ces derniers doivent être connus et respectés par les intervenants, des organismes d’élaboration de normes (OEN) aux producteurs.
« Il n’est pas simple de s’attaquer à ce problème, admet Ralph Suppa, président-directeur général de l’Institut canadien de plomberie et de chauffage (ICPC). Tous devront discuter longuement pour franchir ces barrières. Mais nous semblons nous entendre sur l’existence de répétitions inutiles que nous devons éliminer : c’est la clé pour entamer ce processus complexe. »
Faire progresser l’harmonisation dans des domaines novateurs
La voie à suivre s’éclaircit lorsqu’il est question des nouvelles technologies. Il est possible d’harmoniser les nouvelles normes techniques dès le début, tant que le dialogue est amorcé et maintenu.
Les réseaux intelligents constituent un domaine qui prend de plus en plus d’importance en Amérique du Nord et où le dialogue sur les besoins de normalisation a de fortes incidences sur l’économie et la sécurité. La fiabilité, la résilience et l’efficacité du réseau électrique, de même qu’une performance environnementale améliorée, sont constamment des facteurs pris en compte par les nombreuses parties prenantes concernées, y compris les administrations publiques, les entreprises et les consommateurs.
Comme il est indiqué dans la Feuille de route pour la normalisation du réseau intelligent au Canada [4], bon nombre des technologies qui assureront une bonne transition n’ont pas encore été mises sur le marché, tandis que certaines sont toujours en développement. Plus ces technologies prendront forme et se tailleront une place sur le marché, plus la normalisation sera essentielle à leur viabilité.
Les recommandations présentées dans la feuille de route pour les réseaux intelligents mettent en évidence l’importance d’une collaboration canado-américaine. Vu l’interconnexion des relations commerciales et des infrastructures électriques des deux pays, la recherche d’une bonne combinaison d’harmonisation régionale et internationale fait partie intégrante du dialogue continu dans ce dossier.
La Feuille de route du Canada sur la technologie des véhicules électriques fait aussi état du besoin de préparation de codes, de normes, de règlements et d’infrastructures. Voici certaines recommandations qui y sont formulées : « Passer en revue les règlements nationaux, provinciaux et territoriaux et municipaux qui ont des incidences sur la fabrication et l’utilisation des VE au Canada […]; harmoniser les normes et les pratiques nord-américaines relativement à l’intégration des pièces des VE, y compris les interfaces de chargeurs; [et] élaborer des normes harmonisées pour la conversion des véhicules usagés en véhicules à traction électrique ».[5]
Des partenariats tels que l’entente entre le Québec et le Vermont sur l’installation de bornes de recharge pour les véhicules électriques le long d’un corridor liant Montréal et Burlington sont la manifestation concrète du progrès effectué dans de nouveaux domaines. Des bornes de recharge standard installées de chaque côté de la route faciliteront les déplacements transfrontaliers et procureront des avantages économiques de chaque côté de la frontière. Dans de tels domaines, les consommateurs bénéficient du nombre grandissant d’avantages connexes qui découlent des efforts concertés des deux administrations fédérales.
Le CCN continuera de collaborer avec les intervenants pertinents pour favoriser la coopération en matière de réglementation. « La priorité immédiate est de mettre sur pied des projets de produits pilotes qui permettent l’établissement de normes volontaires harmonisées ainsi que la reconnaissance de normes communes entre les États, provinces et territoires d’Amérique du Nord, affirme M. Walter. Pour nous, il s’agit d’une priorité qui contribuera à la croissance économique et à l’amélioration de la compétitivité, tout en répondant aux objectifs de sécurité publique. »
Le CCN est une société d’État qui fait partie du portefeuille d’Industrie Canada. Dans le but d’améliorer la compétitivité économique du Canada et le bien-être collectif de la population canadienne, le CCN dirige et facilite l’élaboration et l’utilisation des normes nationales et internationales. Il coordonne également les efforts des Canadiens en ce qui concerne leur participation à l’élaboration des normes nationales et internationales et l’utilisation de ces dernières. Il fournit des services d’accréditation à de nombreux clients, parmi lesquels divers organismes de certification de produits et laboratoires d’essais. Le CCN représente le Canada à l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et gère le Comité national du Canada de la Commission électrotechnique internationale (CEI).
[1] Kevin Wong et Ken Tomihiro, A Value Proposition from the Canadian Institute of Plumbing & Heating to Facilitate the Harmonization of Market Entry Required Standards and Certification Schemes, Institut canadien de plomberie et de chauffage, août 2012, p. i.
[2] Écart de prix entre le Canada et les États-Unis, rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales,
février 2013.
[3] « Le PM Harper et le Président Obama présentent leur vision commune de la sécurité du périmètre et de la compétitivité économique », Nouvelles, 4 février 2011, http://www.budget.gc.ca/.
[4] Feuille de route pour la normalisation du réseau intelligent au Canada
[5] Feuille de route du Canada sur la technologie des véhicules électriques : Une vision stratégique pour les véhicules électriques à batterie, les véhicules rechargeables et les autres véhicules électriques hybrides aptes à circuler sur les routes, p. 3.