Imaginez le Grand Canyon. Mettez les PME d’un côté et les gens du milieu de la normalisation de l’autre, et demandez-leur de discuter des frais et avantages associés aux normes de systèmes de management. La conversation se déroulerait probablement comme suit :
« Hé, vous, là-bas! Nous pensons que votre entreprise gagnerait réellement à se faire certifier selon une norme de système de management. Pourquoi ne venez-vous pas de ce côté pour l’essayer? »
« Parlez plus haut! Nous vous entendons à peine. Avez-vous dit "certification"? Ça nous semblen coûteux! En quoi cela nous serait-il utile? Attendez, nos clients nous demandent si... pouvons-nous vous rappeler? Nous avons trop à faire pour vous parler en ce moment.»
C’est, du moins, l’analogie que l’experte en systèmes de management environnemental, Lynn Johannson, utilise pour décrire la difficulté de convaincre les PME de l’utilité d’un système de management.
Un sondage mené en 2005 par l’ISO auprès de plus de 2 500 PME dans le monde va dans ce sens. Ses résultats corroborent également ceux d’une étude réalisée en 2000 par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.
L’une comme l’autre ont révélé que les petites entreprises connaissaient peu les normes de systèmes de management et que, parmi celles qui les connaissaient, beaucoup les trouvaient trop compliquées pour répondre à leurs besoins et trop coûteuses à mettre en ?uvre.
Changer pour le mieux
Se décrivant comme « pilote du changement », Mme Johannson estime que l'économie canadienne – qui est composée principalement de PME – pourra profiter des normes de systèmes de management lorsqu’un plus grand nombre d’entreprises en tireront profit.
« Je pense que le rôle et la valeur des normes ne feront que croître. Le commerce international n’est pas appelé à disparaître, et la plupart des pays dépendent de l’innovation et de la compétitivité de leurs PME », dit-elle.
Le parcours de Mme Johannson est long : présidente de E2M, une société ontarienne de conseil en gestion spécialisée dans la durabilité, cofondatrice de www.14000registry.com, pour n’en nommer que quelques-uns. Ce site héberge un ensemble de plus en plus imposant d’outils simples et peu coûteux pour les petites entreprises. Il sert de passerelle vers le Rapport EnviroReady, un moyen utilisé pour confirmer la mise en ?uvre d’un système ISO 14001 en recourant à des comptables, qui agissent en tant que conseillers fiables auprès des petites entreprises.
Mme Johannson fait partie de la délégation canadienne au comité technique de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) qui est responsable de la série de normes de systèmes de management ISO 14000.
Elle appartient également à un groupe de travail de l’ISO qui a publié récemment une liste de recommandations ayant pour but de rendre les normes de systèmes de management environnemental plus accessibles et plus pertinentes pour les PME.
Approches novatrices et solutions de rechange à la certification
Pour accroître l’utilisation des normes de systèmes de management au Canada, il y a deux choses importantes à faire, selon Mme Johannson.
Premièrement, les gens du milieu de la normalisation doivent mieux communiquer aux petites entreprises la valeur des systèmes de management en leur expliquant, au moyen d’exemples concrets tirés de l’expérience des PME, qu’un système de management solide et crédible peut réellement avoir des effets positifs sur leurs résultats financiers.
« Au Canada et dans d’autres pays, le premier problème est celui de la ensibilisation. Nous n’avons pas vraiment d’organe de commercialisation des normes... Nous ne ferons pas de vrais progrès auprès des petites entreprises tant que nous n’aurons pas adopté une véritable approche clientèle et que nous n’aurons pas pris le temps de comprendre ce dont elles ont besoin », d’expliquer Mme Johannson.
« Les petites entreprises n’ont pas le temps ni les marges bénéficiaires qu’ont certaines grandes entreprises, alors nous devons bien leur montrer la voie à suivre en leur présentant des mesures simples à mettre en ?uvre ».
Mme Johannson souligne également que, contrairement aux grandes organisations qui peuvent consacrer des ressources exclusivement à la planification, les petites entreprises, elles, sont beaucoup plus souvent susceptibles d’esquisser leur méthode en la griffonnant au dos d’une serviette de table en papier, pour ensuite la mettre à l’épreuve après la pause-café.
Deuxièmement, pour qu’une norme soit utile aux petites entreprises, le milieu de la normalisation doit, selon Mme Johannson, la leur présenter de sorte qu’elles comprennent sur-le-champ de quelle manière un système de management pourrait les aider à mieux gérer au quotidien leurs affaires et à obtenir des améliorations immédiates sur le plan de la trésorerie.
EcoMapping est un exemple de ce genre d’approches simples, mais novatrices, auxquelles on peut recourir pour montrer aux petites entreprises les avantages qu’il y a à comprendre leurs aspects et leurs impacts environnementaux, les choses qu’ils ont ou qu’ils font qui sont à l’origine des risques et de la mauvaise utilisation des ressources.
Au dire de Mme Johannson, jusqu’à 80 pour cent des enjeux environnementaux des entreprises résident dans leurs locaux. Munies d’un stylo et de papier, même les microentreprises peuvent, en dessinant le plan de l’atelier et des locaux environnants, déterminer rapidement les aspects susceptibles de présenter des risques commerciaux.
En plus de promouvoir des approches simples pour la mise en ?uvre de systèmes de management, le milieu de la normalisation et les partisans de tels systèmes doivent reconnaître et faire connaître les diverses possibilités qui existent lorsqu’il s’agit de vérifier la conformité aux normes.
« La certification a beau être utile aux compagnies, il n’en demeure pas moins que la majorité des petites et micro-entreprises n’ont pas les moyens d’assumer les coûts qui y sont associés », dit Mme Johannson.
Outre la certification, ISO 14001 reconnaît d’autres solutions d'évaluation de la conformité :
- l’autodéclaration de conformité,
- l’attestation de la conformité par une partie ayant un intérêt dans l’organisme considéré, par exemple un client ou une association industrielle,
- la confirmation de l’autodéclaration par une partie externe à l'organisme. Cette méthode est basée sur le Rapport EnviroReady.
Selon Mme Johannson, le type d'évaluation de la conformité recherchée par une entreprise dépend des exigences du marché.
« La certification devrait être porteuse d’avantages. Mais elle n’est pas une fin en soi. Le but ultime, c’est d’avoir un système de management solide et crédible qui améliore la productivité et la compétitivité », précise-t-elle.
« Nous devons apprendre à communiquer ce message d’une manière légèrement différente. Au lieu d'essayer d’en vanter les mérites, nous devons encourager la mise en place de " systèmes certifiés " en commercialisant la norme de sorte qu’elle présente de l’intérêt pour les petites entreprises, et qu’elle réponde à leurs besoins. Au Canada, moins de 1 000 entreprises ont adopté ISO 14001, mais on dénombre 1,2 million d’entreprises légalement constituées qui emploient du personnel. Quelle belle occasion! À nous de la saisir à présent! »
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Cet article est paru pour la première fois dans le volume 33 de la revue CONSENSUS, 2006. L'information qu'il contient était exacte au moment de la publication mais n'a pas été mise à jour ni révisée depuis. Elle pourrait donc ne pas tenir compte de l'évolution récente du sujet traité. Si vous avez des questions au sujet du contenu de cet article, n'hésitez pas à communiquer avec le Conseil canadien des normes.